Document de synthèse de l’Institut Coopératif dans son édition de 1964 sous le titre :
UNE ÉCONOMIE CHRÉTIENNE du TRAVAIL et du CRÉDIT
Brochure à télécharger en PDF – UNE ÉCONOMIE CHRÉTIENNE 1964
Nb : la page 32 du document original est manquante, elle sera ajoutée prochainement.
INSTITUT COOPERATIF 8, rue Saint-Marc, Paris 2ème-1964
SOMMAIRE
- 1. – LE CREDIT SOCIAL ET L’AIDE AUX PAYS SOUS-DEVELOPPES
- 2. – VERITE, LIBERTE ET JUGEMENT
- 3. – L’ANTITHESE
- 4. – LE COMMUNISME ET LA VALEUR DU TRAVAIL
- 5. – LE CHRISTIANISME ET LA VALEUR DU TRAVAIL
- 6. – MONOPOLES DE CREDIT ET CREDIT SOCIAL CHRETIEN
- 7. – LA MONNAIE-TRAVAIL
- 8. – LES SOURCES RELIGIEUSES ET SCIENTIFIQUES DE LA DOCTRINE SOCIALE CHRETIENNE
- 9. – LE JUGEMENT DE DIEU
- 10. – JUGEMENT ET CREATION
- 11. – JUGEMENT ET LUMIERE
- 12. – LA FOI, LA LOI ET L’HEREDITE
- 13. – JUGEMENT ET PERSONNALITE
- 14. – L’IMMACULEE CONCEPTION
- 15. – ANNEXES
1. – LE CREDIT SOCIAL ET L’AIDE AUX PAYS SOUS-DEVELOPPES
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Depuis plus de dix ans, l’assistance aux pays sous-développés est devenue une obligation économique pour le monde industrialisé prenant conscience de la situation explosive que ne peut manquer d’engendrer la stagnation actuelle du tiers monde en face du développement continu et de plus en plus rapide des secteurs les mieux développés. Il est sûr que ce déséquilibre, s’il devait s’accentuer,.conduira tout droit à l’asphyxie des échanges entre deux mondes condamnés à se tourner le dos d’un côté, surproduction sans débouchés, et l’autre, pénurie sans moyens d’acquisition.
Pour parer à cette menace qui se précise dangereusement, l’Occident a tenté de pratiquer au bénéfice du tiers monde une aide systématique, encore qu’entreprise en ordre dispersé et sous des aspects très divers. Une opération bilatérale est souvent organisée par une puissance industrielle pour des raisons stratégiques ou pour conserver dans le pays « assisté » certaines positions économiques ou même politiques. De leur côté, les Nations Unies et les institutions spécialisées qui en dépendent, dispensent une aide multilatérale, parfois sans contrepartie déclarée, aux pays qui en ont besoin. Les Etats-Unis, grands spécialistes de l’aide économique, ont pratiqué et pratiquent concurremment les deux formules. Ils financent près de la moitié de l’aide économique accordée par le canal des Nations Unies.
À l’heure présente, un certain nombre d’organismes de crédit international opèrent à l’aide de moyens divers, en poursuivant des objectifs différents; ils accordent des crédits à court, à moyen terme ou sur deux générations; les uns exigent des intérêts qui vont jusqu’à 12 pour cent, les autres se limitent à 0,75 pour cent. Il en est qui renoncent à tout remboursement des frais. Une pluralité d’organismes et des comités d’études et d’exécution sont à l’ouvrage, dont les directives ne sont pas toujours concordantes et parfois même contradictoires. Toutes, à défaut d’une doctrine économico-sociale, relèvent de l’empirisme.
Ces expériences gardent un indiscutable intérêt pour l’avenir, mais les résultats actuels sont partout décevants.
L’administration Kennedy a tenté également une opération d’envergure d’un troisième type : l’alliance pour le Progrès, pour l’entraide économique au bénéfice des pays d’Amérique latine. Washington est le principal bailleur de fonds; il renonce à toute contrepartie du type de celles dont on fait grief à l’aide bilatérale. Cette organisation, qui a suscité de grands espoirs, subordonne l’aide économique à la mise en place de plans de développement nationaux jugés rationnels. Les financements fournis par l’Alliance ne sont que complémentaires et requièrent la prise en charge préalable par l’intéressé d’une partie de l’opération.
Mais, jusqu’à présent, l’essentiel des capitaux mis à la disposition de l’Alliance sont restés sans emploi, la plupart des projets soumis n’ayant pas été jugés conformes aux conditions souscrites par les intéressés : ainsi, après deux années d’expériences, l’entraide économique américaine, qui se présentait sous le jour le plus favorable, semble proche de l’échec. La réunion des Ministres des Finances d’Amérique latine, qui vient d’avoir lieu en ce mois de novembre 1963, à Sao Paulo, a fait ressortir, une fois de plus, les difficultés d’une action constructive : la cause, avouée ou non, en est toujours la carence d’une doctrine sociale de l’entraide économique.
Suivant le concept de « new frontier », l’aide occidentale, malgré ses déficiences, a pu dresser, ici et là, des barrières contre l’expansion du marxisme. Mais elle n’a pu l’arrêter, loin de là. L’URSS, avec une aide moins substantielle, mais plus organique, a maintenu sa pression, constitué et consolidé de redoutables têtes de pont qui ont transformé « l’aire du besoin » en champs de bataille de la guerre économique.
Celle-ci, fourrière traditionnelle de la guerre tout court, évolue, pour l’heure, entre deux rangées de missiles prêtes à partir avec une force de frappe cinq ou six fois plus grande qu’il n’en faut pour effacer toute vie sur la planète.
Nulle euphorie de la coexistence ou du désarmement ne peut masquer l’aggravation du péril apocalyptique auquel ont abouti tant d’efforts prodigués au nom de la Paix sociale. On peut en conclure avec Paul VI que « dans le contexte de l’époque où nous vivons, on a abusé du mot paix pour l’utiliser à dresser les hommes les uns contre les autres au lieu de les unir » (à Pax Christi, 27 Octobre 1963).
Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’Église admoneste les fidèles sur leur devoir de réagir à cette contradiction flagrante. Le 19 Juillet 1947, Pie XII adressait à M. Flory président des Semaines Sociales de France, ces précieux conseils : « Par dessus la distinction entre employeurs et employés qui menace de devenir toujours davantage une inexorable séparation, il y a le Travail lui-même, le Travail tâche de la vie personnelle de tous les producteurs en vue de procurer à la société les biens ou les services qui lui sont nécessaires ou utiles. Ainsi compris, le Travail est capable, en raison de sa nature même, d’unir les hommes véritablement et intimement; il est capable de redonner forme et structure à la société devenue amorphe et sans consistance… ».
Si on consulte les publications catholiques de sociologie entre 1947 et aujourd’hui, on ne trouve guère la preuve que ces conseils ont été entendus» Quoi de surprenant si, de l’autre côté de la barricade, la Paix par le Travail ne trouve pas le chemin du Tiers monde ? Pour les marxistes, les pays sous-développés sont, Khroutchev dixit, « la poêle à frire le capitalisme »; pour les autres, ils sont les tonneaux des Danaïdes.
Aussi bien, les contradictions s’accumulent là où les données du problème sont d’une simplicité désarmante. De quoi s’agit-il, en effet ? Il y a des pays qui produisent trop et d’autres pas assez par rapport à leurs besoins respectifs. Aussi les échanges sont bloqués là où les uns ont intérêt à vendre et les autres à acheter, où les uns ont avantage à faire du crédit et les autres à le recevoir; où les uns ont droit à une garantie que les autres sont en mesure de la donner. Ce qui manque n’est que la reconnaissance bilatérale de la valeur de cette garantie. Elle existe pourtant – plus sûre et plus « active » que l’or – dans tous les pays en voie de développement. C’est le Travail en son double potentiel encore inexploité, à savoir : la Force-Travail de l’Homme et la Force-Travail des agents physiques. C’est comme une mine, plus ou moins enfouie dans le cerveau et les muscles de l’homme et dans les entrailles de la Terre, une mine dont il est parfaitement possible de prévoir la rentabilité en heure-travail, en ça, cv, kw.
Prenons, à titre d’exemple, un pays X, ayant une productivité 5 de l’heure-travail par rapport à la productivité 100 des Etats-Unis, admettons que le pays X puisse atteindre, en 3 décades, une productivité 60, ce qui améliorera proportionnellement sa production et son pouvoir d’achat. À partir de la 5ème ou 6ème années il sera en mesure de commencer le règlement de sa dette.
Pour réaliser ce plan, le pays X devra d’abord accélérer sa formation technique et ensuite, être équipé progressivement en outils et machines actionnés par l’énergie. C’est la fonction du crédit.
La structure du « plan d’aide » sera, donc, pour une bonne partie déterminée par le fait que l’emploi croissant de l’énergie constitue un apport toujours plus grand de force-travail des agents physiques à l’heure-travail (au rendement du Travail, à la « mutation de valeur » de celui-ci) et diminue, en proportion, l’apport de la force-travail de l’homme.
En conséquence, pour évaluer l’amélioration progressive des rendements de l’heure-travail par rapport au crédit accordé, le plan d’aide doit faire entrer en ligne de compte le fait que le pouvoir d’achat social « fourni » par le Travail est de plus en plus conditionné par la « croissance » des prestations de la force-travail des agents physiques* utilisée par le producteur mais appartenant à la société tout entière.
Pour apprécier l’importance fondamentale de cette norme du progrès technique et social, il suffira de rappeler qu’en 1946 le rapport de productivité entre les Etats-Unis et l’Europe était de 3 à 1 et, qu’en cette même année, M. Truman pouvait expliquer l’essor de son pays en 3 chiffres : 55 % de la production mondiale d’énergie électrique, 50 % de la production mondiale des marchandises, 6 % de la population mondiale…
Grâce au plan Marshall et à une production vertigineuse d’énergie, l’Europe des 6 et des 7 pouvait atteindre, en une douzaine d’années, une productivité égale à celle des Etats-Unis… et les remercier d’un touchant « go home ».
Cette expérience contient en elle-même les principes fondamentaux d’une doctrine du Travail et d’une doctrine du Crédit qui rationalisent le plan d’ensemble de l’aide occidentale aux pays en voie de développement. Ces pays ont des capacités et des besoins inégaux, mais ils ont entre eux et à l’égard du monde industrialisé un dénominateur commun économico-social ; le Travail, substance vive de tous les échanges entre les hommes. Or ces échanges de Travail – accumulé, actuel ou à venir – sont tous des opérations de Crédit.
Doctrine de la Valeur du Travail et doctrine du Crédit social : à défaut de ces deux doctrines, qui n’en font qu’une dans le concept fondamental de la valeur, toute appréciation sur les besoins des pays sous-développés, sur les moyens de les aider et sur les méthodes à employer relève de l’arbitraire politique, financier ou économique; il ne s’agit plus que d’un affrontement dialectique entre l’Est et l’Ouest dans la guerre sociale et économique sans quartier qui pose l’alternative soit de l’écroulement de l’un ou l’autre des deux systèmes en conflit, soit du recours à l’ultime violence nucléaire.
Malheureusement, l’impasse est totale, car le capitalisme d’Etat et le capitalisme individuel, occupés à s’entredétruire, n’ont guère cherché l’éthique du Travail et du Crédit. Sans doute, pressés par l’opinion, accepteraient-ils d’en discuter – et ce serait le commencement de la sagesse – si une autorité morale universellement reconnue la proposait au monde.
L’Église a une telle autorité et une telle éthique. Si le Concile Vatican II le proclamait dans une déclaration universelle des principes chrétiens du Travail et du Crédit, tous les hommes de bonne volonté sur la terre entendraient son appel et son enseignement œcuméniques.
Ils sont nombreux ces hommes : qu’on mette fin à leur désarroi social – et il est temps encore – afin de transformer le champ de bataille du tiers monde en lieu d’armistice et y bâtir la grande construction de la Paix.
Monseigneur Mercier, évêque du Sahara, a dit ces choses en termes percutants : « Le monde chrétien, a-t-il déclaré, est riche dans son ensemble. L’Église redoute d’être coupée dans l’avenir du tiers monde pauvre, comme elle l’a été, dans le passé, du monde ouvrier. Seule l’Église est capable d’enlever à la redoutable inégalité des conditions humaines son caractère de scandale et sa menace de révolte ».
Seule l’Église est capable… C’est exact : dans l’esquisse qui suit nous essayons de le démontrer.
2.VÉRITÉ, LIBERTÉ et JUGEMENT
La personnalité de l’individu se forme et s’exprime par ses propres jugements : l’homme est juste ou injuste, bon ou mauvais, libre ou asservi à la mesure de ses jugements de valeur. La synthèse des jugements individuels est le jugement communautaire : la relation vitale entre personnes humaines et le corps social est, donc, constituée par le jugement de la valeur.
En fait, les relations humaines sont constituées par des échanges de services intellectuels et matériels : un libre et juste jugement de la valeur des services à échanger est donc la condition sine qua non de la justice, de la liberté et de la paix dans les relations d’homme à homme, d’homme à groupement, de groupement à groupement.
C’est dire que les structures et les lois de toute organisation sociale, politique, culturelle, économique constituent les formes vives d’une méthode d’appréciation, dont le but est de libérer l’homme des servitudes qu’engendré le jugement arbitraire de la valeur.
A aucun stade de la connaissance et de la vie, à aucune phase des relations humaines, dans aucune des structures ou superstructures sociales, à aucun moment des rapports entre la créature et le Créateur, le processus spirituel psychologique, biologique et social du jugement ne s’arrête : ni dans l’enfant, ni dans l’adulte, ni dans l’individu, ni dans la société, ni dans le passé, ni dans le présent : Dans aucun cas il ne peut y avoir d’individu libre, ni de libre société sans libre jugement de la valeur .
C’est ici la pierre d’achoppement. Pour être juste et libre, le jugement doit se référer à la Vérité absolue dont toute valeur individuelle ou sociale est une expression. C’est une évidence que personne ne refuse : ni le croyant, ni l’athée.
Mais ils sont séparés l’un de l’autre par un abîme sur le concept même de Vérité qui détermine le juste jugement de la valeur.
3.L’ANTITHÈSE
Pour le chrétien, la Vérité est d’essence divine : « Je suis Yahweh (l’Etre) et il n’y en a point d’autre ».
(Isaie, XLV, 7)
Le Verbe la personnifie, l’incarne et la révèle :
JE SUIS LA VÉRITÉ ET LA VIE
Le Christ pose en termes clairs le rapport de cause à effet entre Vérité et liberté :
« Si vous demeurez dans ma Parole… vous connaîtrez la Vérité et la Vérité vous rendra libres ».
(Jean, VIII, 32)
Pour l’athée, la Vérité est un X que recherche sans cesse la dialectique du matérialisme :
« De par sa nature, dit Lénine, la pensée humaine est capable de nous donner et nous donne en effet, la Vérité absolue qui est une somme de vérités relatives… l’existence même de cette vérité est une chose absolue, comme absolu est le fait que nous nous en approchons ».
(Lénine, Oeuvres, éd.russe, T. XIII pp. 110 et 111)
Pas autrement n’avait parlé le tentateur à l’Eden.
« Rien de définitif, rien d’absolu, rien de sacré », dit Engels, « la philosophie dialectique voit en toutes choses le sceau de l’inévitable déclin : rien n’existe que l’ascension perpétuelle du degré plus bas au plus achevé ».
En conséquence, une chose étant posée, il faut la nier pour avancer. Pas de nature humaine permanente : c’est la matière qui, elle-même, se pose, se nie, se transforme et la pensée humaine n’est que l’une des formes de l’évolution de la nature.
« La seule méthode juste et la seule philosophie, dit Lénine, est le matérialisme dialectique… la physique contemporaine est en travail : elle enfante le matérialisme dialectique… de cette philosophie du marxisme coulée d’un seul bloc d’acier, on ne peut retrancher aucune partie essentielle sans s’écarter de la Vérité objective, sans verser dans le mensonge réactionnaire », (ib. p. 215).
Autrement dit, le matérialisme dialectique est la base uniforme de la révolution marxiste. Celle-ci ayant étendu son emprise sur la moitié du genre humain, a universalisé l’antithèse entre la Vérité absolue révélée par Dieu et la Vérité absolue objective qui nie Dieu, entre le jugement chrétien et le jugement marxiste de la valeur : pour ou contre Dieu, pour ou contre sa Loi universelle des valeurs.
Sur le plan social, l’essentiel de cette antithèse est dans le fait que nul groupement humain ne peut être organisé sans une loi ou une norme, bonne ou mauvaise, pour apprécier la valeur du Travail, tout échange de services entre les hommes étant constitué par du Travail « actuel ou accumulé ».
4.LE COMMUNISME ET LA VALEUR DU TRAVAIL
En théorie et en pratique, le communisme n’a d’autre loi de la valeur que celle de Leontiev :
« L’Etat soviétique est maître de la valeur et l’utilise consciemment dans l’intérêt du socialisme ».
C’est la loi fondamentale du capitalisme d’Etat.
Issu de la révolution des travailleurs et de la lutte des classes, tout Etat communiste apprécie essentiellement la Valeur du travail par rapport aux prestations du travailleur : Dieu n’existant pas, l’acte productif n’est que le fait de l’homme-producteur.
Et, pourtant, la révolution industrielle témoigne de l’efficience d’une force-travail extérieure à l’homme, celle de la force-travail appartenant au monde physique, dont on commença, dès le siècle dernier à utiliser sur une échelle toujours plus vaste, les potentialités et dont l’exploitation allait bouleverser les rendements du Travail.
À partir de 1850, la productivité de l’heure-travail s’est améliorée de 1 à 10, à 100, à 1.000 et parfois à 10.000, suivant la quantité d’énergie naturelle employée et d’après les modes, moyens et lieux de sa transformation en travail social.
Quant à la Société industrielle qui fit l’objet de l’analyse critique de Marx, elle ne voulut pas plus que le théoricien révolutionnaire, reconnaître la double nature du travail et les obligations économico-sociales qui en découlent : bien que le rapport de valeur ancestrale entre L’Ouvrier et l’Œuvre fut bouleversé par l’adjonction des nouveaux moyens énergétiques, bien que la valeur d’échange du produit du travail variât désormais en fonction d’un apport d’énergie autre que celui du travailleur, la distribution du pouvoir d’achat à tous les consommateurs continuait de s’effectuer par le processus séculaire du partage des « revenus » du Travail entre le travailleur et son « exploiteur » individuel ou étatique.
Les monopoles capitalistes en firent leur terrain d’élection sur le plan national et international et, par là, se rendirent maîtres de l’économie mondiale.
La révolution des travailleurs les renversa dans les pays conquis par le communisme. Mais celui-ci, n’ayant pas une loi de la valeur pour la distribution sociale des « revenus » du Travail, ne pût remplacer le capitalisme individuel que par le capitalisme d’Etat… Pour autant qu’on puisse le prévoir, la construction du socialisme y fera un long stage et, de toute manière, ce ne sera pas le marxisme-léninisme qui la sortira de l’impasse.
5.LE CHRISTIANISME ET LA VALEUR DU TRAVAIL
LE CHRISTIANISME APPRECIE LA VALEUR DU TRAVAIL EN TANT QU’OEUVRE DE L’HOMME ASSOCIÉE À L’OEUVRE DE DIEU.
Par cette loi fondamentale, la doctrine chrétienne découvre et justifie la nature et la substance du Travail que le matérialisme dialectique n’avait pu déceler et que jamais il ne pourra justifier.
Pour l’économiste chrétien, la progression gigantesque et irréversible des rendements du travail dans les pays industrialisés manifeste, de plus en plus, que le travail est l’acte productif de deux forces-travail, de nature différente, mais l’une à l’autre complémentaire :
La FORCE-TRAVAIL de l’HOMME, INTELLECTUELLE et PHYSIQUE La FORCE-TRAVAIL des AGENTS NATURELS : L’ÉNERGIE.
Évidemment, cette distinction n’est réaliste que si les deux forces-travail sont « identifiées » à leurs sources respectives, avant qu’elles ne se rencontrent et fusionnent dans l’acte productif, où elles constituent ce tout indivisible et indéchiffrable qu’est le Travail Social.
En fait, la statistique chiffre, d’ores et déjà, dans tout groupement, le potentiel de force-travail humaine en nombre et qualification de producteurs disponibles, et chiffre en ça, cv ou kw le potentiel de la force-travail des agents physiques, représenté par les gisements de houille, d’hydrocarbures, de gaz naturel, de matières fissiles et par les cours d’eau.
Or, l’identification, à l’état potentiel, des forces-travail porte en soi reconnaissance des droits de propriété que détermine la nature même de ces forces :
• droit de propriété individuelle du producteur sur le potentiel de sa propre force-travail,
• droit patrimonial de la société sur le potentiel de la force-travail des agents physiques.
CE SONT DES DROITS NATURELS /:
Le droit de propriété du producteur est individuel car la personne humaine, dont la force-travail intellectuelle et physique est partie intégrante, se caractérise par le fait qu’elle est propriétaire d’elle-même. Ses prestations n’aliènent pas son être, mais l’harmonisent à la vie du groupe social.
Le droit de propriété de la société est patrimonial, caria force-travail des agents physiques est un bien gratuit que la nature nourricière a donné en partage à tout homme venant au monde, à tous les consommateurs, producteurs ou non.
Le premier de ces droits s’exerce dans le cadre et par le jugement de l’Organisation professionnelle : il garantit le pouvoir d’achat du producteur par rapport à ses prestations.
Le deuxième s’exerce dans le cadre et d’après le jugement de l’organisation sociale des consommateurs : il garantit le pouvoir d’achat du consommateur en fonction de ses besoins incompressibles et par rapport aux prestations énergétiques des agents physiques.
La propriété de la force-travail du producteur – garantie du crédit à la production – est évaluée d’après un ÉTALON ÉCONOMIQUE des rémunérations, qui est la rémunération minimum du producteur.
Le patrimoine de la force-travail des agents physiques – garantie du crédit à la consommation – est évalué d’après un ETALON SOCIAL, qui est le minimum vital du consommateur.
Par jugement social, il est établi un rapport financier constant entre l’étalon économique des rémunérations aux producteurs (crédit à la production) et l’étalon social des besoins des consommateurs (crédit à la consommation); ce rapport donne un ÉTALON FINANCIER qui chiffre et mesure le CRÉDIT attribué aux uns et aux autres : leur pouvoir d’achat.
Par conséquent :
de même que la somme des prestations des deux forces-travail constitue le travail social en son acte productif,
la somme des deux rémunérations attribuées aux dites prestations constitue le prix réel de l’acte productif,
Cela revient à dire que le coût social de la Production a trouvé sa contrepartie sociale en pouvoir d’achat global effectivement distribué.
Nous pouvons en conclure que :
La VALEUR SOCIALE du TRAVAIL est le POUVOIR d’ACHAT SOCIAL du TRAVAIL
Ce qui s’exprime par une balance économico-sociale dont le fléau indique le prix réel du Travail et oscille autour d’un point idéal qui est celui de la Valeur. C’est un mouvement vital : une réaction de défense à l’encontre de toute hausse ou baisse sur l’un ou l’autre plateau de la balance.
Il s’ensuit qu’une augmentation sensible des prix du travail humain déterminera une augmentation proportionnelle du prix de l’énergie sans altérer, pour autant, l’équilibre entre les pouvoirs d’achat respectifs engendrés par les deux forces-travail; de même qu’une sensible augmentation quantitative de l’énergie déterminera une amélioration de la productivité du Travail et réduira les prix des services et des marchandises. Dès lors, la balance entre l’Economique et le Social mesurera le véritable progrès économique et social : toute addition d’énergie, qui augmentera la productivité du travail social, sera la mesure d’une amélioration du pouvoir d’achat social dans tous les secteurs.
Ainsi, l’arbitraire capitaliste est remplacé par le jugement social de la valeur, qui détermine le volume et la répartition du Crédit au fur et à mesure des opportunités de l’investissement et de la demande des consommateurs, le tout par rapport à la capacité productrice et à l’amélioration du pouvoir d’achat de l’ensemble des membres de la communauté.
6. MONOPOLES DE CRÉDIT ET CRÉDIT SOCIAL CHRÉTIEN
On sait que la valeur d’échange d’un produit – soit la valeur reconnue par le consommateur – est la somme des rémunérations des services intervenus dans les différentes phases de la production et de la distribution : salaires, profits, commissions, loyers, impôts, etc… Chacune de ces rémunérations a été l’objet d’un jugement de valeur, direct ou indirect, qui a déterminé une opération de crédit au produit fini : la somme des dites rémunérations a été imputée à la valeur d’échange du produit sur le marché.
Dans l’économie capitaliste, à défaut d’une loi de la valeur réelle, le prix des prestations se détermine par une épreuve de force entre le monopole du crédit et la masse des producteurs. Le jugement de valeur fait place à la lutte des classes : il y a jugement partisan et contrefaçon de la valeur. En d’autres termes, le monopolisateur du crédit s’approprie une partie de la valeur réelle des prestations ou bien il charge la valeur d’une plus-value à son bénéfice. De toute manière, il établit une différence arbitraire entre la valeur et le prix des prestations, entre la valeur et le prix des marchandises.
L’accumulation capitaliste est essentiellement la somme de ces différences : une somme de jugements arbitraires au profit des monopoles du crédit, aux dépens des consommateurs comme des producteurs.
Il ne faut pas oublier, nous l’avons déjà dit, que la rémunération du travail (actuel ou accumulé) est le moyen classique de distribution du pouvoir d’achat à tous les consommateurs : producteurs et non-producteurs. En opérant sur la rémunération du travail, le monopolisateur opère donc sur le pouvoir d’achat social, ce qui aboutit à un déséquilibre entre la production – qui est l’effet des prestations – et le pouvoir d’achat, qui est la contrepartie de ces prestations.
Lorsque les soustractions successives opérées par le capital sur la masse du pouvoir d’achat social ont ramené celle-ci au-dessous du minimum jugé nécessaire aux échanges de services, la crise devient inévitable : surproduction, d’une part – et disette, de l’autre, engendrent les conflits sociaux.
C’est pourquoi il est justifié de dire que : le capitalisme se caractérise par le monopole privé ou étatique du crédit à la production, où le monopolisateur détermine arbitrairement le prix des prestations de travail en vue de s’approprier aux dépens du pouvoir d’achat communautaire et dans un intérêt privé ou étatique la différence entre la valeur et le prix des services échangés dans le circuit de production des biens négociables.
C’est l’alliance de l’empirisme et de l’arbitraire.
Ainsi, le Crédit perd son efficience sociale et devient ce qu’on appelle, en termes marxistes, un « moyen de production ».
Le Crédit Social Chrétien est autre chose que ce jeu de mots ; point d’empirisme et point d’arbitraire. Sa loi est la plus scientifique et la plus sociale des lois. Proclamée sur le Sinaï’, confirmée par le Christ, explicitée par l’Église dans son Droit canon et son enseignement en matière sociale, elle détermine un crédit sans intermédiaires à la production et à la consommation, où celle-ci est prise pour finalité économico-sociale de celle-là.
Le Crédit social chrétien est juridiquement structuré sur deux droits naturels de l’Homme social :
• Droit du producteur au Crédit dans la mesure des services rendus ou à rendre,
• Droit du consommateur au Crédit dans la mesure des besoins reconnus et des moyens pour les satisfaire.
Mais le Crédit au Travail ne repose pas seulement sur la garantie morale des Droits de l’Homme; ainsi que nous l’avons dit plus haut, il est objectivement garanti par la propriété des deux forces-travail : propriété individuelle des producteurs et patrimoine social des consommateurs. Et les « revenus » de ces deux propriétés ne sont que les rémunérations des apports des deux forces-travail à la production.
En conséquence, le Crédit au Travail n’accorde pas, à proprement parler, des prêts à rembourser; mais il rémunère, par anticipation, les apports des deux forces-travail au cycle productif. De ce fait, le Crédit au Travail paye, par préfinancement, « le prix à valoir » de la production et, en même temps, il distribue le pouvoir d’achat pour écouler celle-ci.
Comptable de la valeur du Travail par rapport au Pouvoir d’achat social, LE CRÉDIT AU TRAVAIL DOIT, DE TOUTE ÉVIDENCE, RESTER MAÎTRE DE L’ÉMISSION DE SES PROPRES SYMBOLES MONÉTAIRES qui, seuls, ont droit à la couverture de l’inépuisable potentiel de Travail, source de tous les biens de production et de consommation de la terre. Nanti de pareille garantie, le Crédit au Travail réduit au minimum les aléas du do-ut-des quasi-sacramentel des échanges, il exclut toute dîme au garant et tout profit illicite de l’intermédiaire.
Qu’on ne s’y méprenne pas, nous avons bien là une véritable révolution du Crédit, commandée par les Droits de l’Homme.
Le Crédit se substitue au Capital dans les relations humaines économiques et sociales : un potentiel social de crédit, jaillissant de la valeur du travail, élimine la capitalisation arbitraire des moyens ou symboles individuels ou étatiques de crédit… « il sanctifie » le système financier…
Ainsi le Crédit au Travail réalise le principe d’un Droit égal pour tous les hommes; il devient le CREDO de la société, la pierre de touche de son esprit de coopération. C’est la libération individuelle et sociale de l’homme – la vraie.
xxxxx
Le schéma de cette doctrine pose deux questions d’ordre pratique :
1) Dans quelle mesure la situation internationale rend-elle actuel et même nécessaire un sérieux examen du Crédit au Travail et de son système monétaire ?
Nous répondons à cette question dans le chapitre ci-après : « LA MONNAIE-TRAVAIL ».
2) Quelles seraient les développements possibles de la doctrine sociale du Crédit au Travail dans les nouvelles structures du Tiers monde ?
Nous exposerons notre point de vue à ce sujet dans les trois chapitres :
• « SECTEUR PROFESSIONNEL ET DROIT DE PROPRIETE ».
• « SECTEUR SOCIAL ET DEPENSES COMMUNAUTAIRES ».
• « SECTEUR DU LIBRE ECHANGE ».
7.LA MONNAIE-TRAVAIL
Le 5 Novembre 1963 s’est réuni à Paris le Comité des Dix, (représentant les ministres des Finances d’Allemagne, Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Pays-Bas, Suède) chargé par le Fonds Monétaire International d’étudier les réformes possibles du système international des paiements.
Il s’agit de bâtir un système qui soit suffisamment stable et rationnel pour répondre aux impératifs de notre siècle.
La stabilité relative, qui fut longtemps plus ou moins assurée par l’or et, depuis une vingtaine d’années, par le dollar et les expédients du « gold standard », est devenue de plus en plus précaire,
Ce n’est pas facile la tâche des « Dix ». Ils peuvent envisager quatre solutions :
1) Réévaluer l’or. On objecte que, de toute manière, la faiblesse de ses stocks est inconciliable avec les besoins des liquidités internationales. Par ailleurs, sa production actuelle est presque entièrement assurée par l’Union Soviétique et l’Union Sud-Africaine. En relever le prix à leur bénéfice, ce serait, en quelque sorte, se jeter dans la gueule du loup.
2) Instaurer des taux d’échanges fluctuants. On objecte que ce serait entraver encore plus les transactions internationales, multiplier les spéculations financières et les évasions de capitaux, accepter le contre-sens d’une fluctuation par rapport à des éléments fluctuants.
3) Rendre au dollar le rôle de point de référence où les autres monnaies seraient exprimées. Ce serait la sagesse, tant que dure le conflit entre l’Ouest et l’Est. Mais tel n’est pas l’avis de certaine.-, puissances politiques et financières qui jouent avec le dollar comme la coexistence joue avec la paix.
4) Charger une institution internationale de créer une monnaie fiduciaire mondiale. C’est une solution qui s’inspire de l’ABC d’un système monétaire efficace et stable, à savoir :
a. une seule monnaie, même si elle ne doit servir que d’unité de compte,
b. quantité de monnaie couvrant les besoins des échanges,
c. stabilité de la valeur de la monnaie par rapport à la valeur des échanges.
Sans doute, une monnaie mondiale conçue d’après ces principes pourrait avoir la rigueur scientifique, l’homogénéité et la souplesse requises. Mais on objecte qu’en l’état actuel des structures politiques et financières, les grandes nations ne sont pas encore « mûres » pour un tel partage de souveraineté.
A cette objection « réaliste » on peut répondre qu’une monnaie mondiale respecterait au possible l’indépendance des nations, si elle offrait une garantie commune à tous les pays et si elle ne servait, le cas échéant, que d’unité de compte dans les transactions de l’aide aux pays en voie de développement.
La monnaie-travail répond à ces conditions :
Le Travail constitue une garantie sûre, pratiquement inépuisable, naturelle, scientifique, active, commune aux Nations qui fourniraient 1′ aide et à celles qui en seraient les bénéficiaires.
I. SECTEUR PROFESSIONNEL ET DROIT DE PROPRIETE
La planification est la loi du développement de la productivité et du progrès économique.
Mais, entre la planification des activités productives et la planification des cerveaux, les frontières sont indécises et vite franchies par la bureaucratie politique et la technocratie politisée.
Contre ce danger majeur, un seul barrage efficace : la propriété individuelle du producteur.
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La Valeur du Travail détermine un rapport de cause à effet entre le droit « naturel » de propriété individuelle de la force-travail du producteur et le droit « économique » de propriété individuelle des moyens de production que le producteur produit et utilise.
Dans une Société de Travail, l’Organisation professionnelle clés producteurs est entièrement bâtie sur l’airain de ces deux droits. C’est dire qu’elle a sa propre juridiction de la productivité : ni l’Etat dans l’Etat, ni asservie à l’Etat, ni contre l’Etat, elle est une « dimension organisée » de la société sans classe. Le droit de propriété individuelle « ad valorem » rend sans objet la lutte des classes.
Qu’est-ce donc, la propriété « ad valorem » ?
C’est la propriété individuelle des moyens de production, que détermine la valeur professionnelle du producteur. Nous n’inventons rien. Dans toute entreprise productrice au monde, l’amortissement des moyens de production est calculé sur le montant des rémunérations des producteurs, mais il est ajouté au prix de revient et effectivement débité li l’acheteur des produits, le consommateur.
Au rythme du progrès technique actuel et des impératifs de l’expansion, les délais d’amortissement sont de plus en plus courts. Pour faire face à la concurrence, il faut employer des moyens de production toujours plus perfectionnés et plus rentables. Certains outils et machines doivent et re amortis en 2 ou 3 ans, certaines installations en moins de 10 ans.
Ainsi, la propriété industrielle des temps modernes n’est plus, pour ainsi dire, qu’un processus d’amortissement parle Travail. C’est une opération de Crédit : crédit capitaliste ou crédit social.
Si c’est le crédit capitaliste-étatique ou libéral- qui réalise l’opération, l’amortissement se fait au bénéfice de l’Etat-patron ou du patron-individu, d’après un jugement arbitraire de la Valeur du Travail, à l’exclusion du producteur et aux frais du consommateur.
Si c’est le Crédit Social au Travail qui réalise l’opération, l’amortissement se fait, sans intermédiaire, au bénéfice du producteur, d’après un jugement social de la Valeur du Travail. Pour sa part, le consommateur « bénéficie » du prix social de la production.
Il tombe sous le sens que, seul, le Crédit Social au Travail offre une méthode scientifique et sociale d’amortissement. Déterminé d’après l’échelle des valeurs professionnelles, l’amortissement devient, ipso facto, le mode d’appropriation ad valorem des producteurs. Ainsi le Crédit réalise-t-il socialement le droit de propriété individuelle du producteur et, scientifiquement, l’autonomie de l’entreprise. Aucune étape essentielle n’est brûlée : le producteur ne s’empare pas arbitrairement de son moyen de production; il l’achète par le Crédit Social, le paie par son travail et « l’exploite » par la Valeur de ses prestations dans l’entreprise autonome en compétition sociale avec des entreprises autonomes.
Cet exercice du droit « actif » de propriété implique l’usage direct du moyen de production par le propriétaire-usager. Lorsque le temps est venu pour celui-ci de se séparer de son moyen de production, il le « cède » à son successeur dans la tâche qui fut la sienne; il lui vend un titre de propriété au prix des annuités d’amortissement déjà versées. Et son successeur le paie à l’aide du Crédit au Travail.
C’est l’héritage-travail.
Par cette loi de succession – dont la source est ancienne : le Deuteronome -, se perpétue la puissance fécondatrice du Crédit dans un circuit productif où il n’y a plus d’exploitation de l’homme par l’homme. C’est l’ère nouvelle préconisée par Pie XII :
PLUS DE PROLETAIRES, TOUS PROPRIETAIRES.
II. SECTEUR SOCIAL et DEPENSES COMMUNAUTAIRES
C’est l’organisation sociale des consommateurs pour l’exercice du droit patrimonial sur les sources d’énergie.
Lorsqu’on étudie – préalablement et séparément – les deux forces-travail pour définir leurs fonctions respectives dans l’heure-travail, on constate :
Que l’apport énergétique de la force-travail des agents physiques est fort variable et, pour ainsi dire, illimité ; alors que l’apport énergétique de la force-travail de l’homme est de nature constante et limité à une fraction de kw.
Or, l’apport énergétique, nous l’avons vu, est fonction de la productivité et, donc, de la valeur de l’heure-travail, dans la production sociale :
Au surplus, s’il est vrai que les deux forces-travail ont, chacune, leur valeur sociale propre, seule la force-travail des agents physiques est intrinsèquement sociale en tant qu’elle est le patrimoine de tous les membres de la société.
Par conséquent, si on veut accéder aux régions, jusqu’alors inexplorées, de la valeur sociale du travail, il convient, tout d’abord, de mesurer et évaluer la force-travail que les agents physiques apportent à l’heure-travail sociale dans une zone, sur une période de temps et pour une production déterminées.
Pratiquement, on peut mesurer « l’énergie brute » (les sources d’énergie) à un point donné de leur débit : arrivée d’une chute d’eau, d’un puits de pétrole ou d’un gisement de charbon ou d’uranium : on mesure l’énergie débitée en ça, ou cv ou kw, avant qu’elle ne s’intègre avec la force-travail de l’homme dans le Travail social.
On connaît, ainsi, « le débit » du patrimoine énergétique national. Ce patrimoine fait de chaque individu, à sa naissance, le propriétaire d’une part égale du potentiel énergétique de la communauté : gisements de pétrole, de charbon, d’uranium, chutes d’eau, etc. Chaque part de propriété représente un pourcentage en ça ou cv ou kw de ce potentiel, considéré à un point déterminé de la production thermique ou hydraulique ou nucléaire de l’énergie.
Ce titre de propriété exprime une équivalence énergie-pouvoir d’achat, qui est une déterminante du prix réel des services et des marchandises : le coût de la vie. En conséquence, tous les membres du groupement – producteurs et non-producteurs – qui sont les copropriétaires à parts égales du patrimoine énergétique, ont un même intérêt à l’emploi communautaire de leur revenu patrimonial : couvrir les dépenses communes du groupement.
A l’heure actuelle, ces dépenses sont couvertes par le revenu fiscal. Mais la différence est grande entre les deux revenus :
Le revenu énergétique relève du droit naturel et le revenu fiscal de l’arbitraire politique; le premier est justice sociale, le deuxième est une source permanente d’évasions et d’injustices;
Le premier réalise l’équilibre des prix entre la production industrielle et la production agricole, le deuxième en est totalement incapable.
Sans doute, le remplacement du revenu fiscal par le revenu énergétique pose des problèmes d’envergure. Mais ils sont à la mesure du progrès social et s’inscrivent exactement dans la « dimension » du Secteur communautaire.
III. LE SECTEUR DU LIBRE ECHANGE
Le social et l’économique par leurs jugements conjugués doivent déterminer la juste satisfaction des besoins et la juste rémunération du travail. C’est la justice, mais pas encore la liberté.
La liberté du consommateur s’exerce par son libre choix des services et des marchandises, par sa faculté d’en orienter la production, d’en améliorer la qualité et d’en contrôler les prix par la loi de l’offre et de la demande.
Autant dire que le libre échange de services est condition de la liberté de l’homme.
C’est pourquoi la doctrine coopérative du Travail place le secteur du libre échange au centre des structures, entre les deux « dimensions » organisées, qui sont le secteur professionnel et le secteur social.
Dans tout pays évolué, le secteur du libre échange, (autrement dit, le secteur tertiaire), tend à englober la majorité des libres professions, des arts, de l’instruction, du commerce, de l’artisanat, de la recherche scientifique, de l’information, etc..
La fonction vitale du secteur du libre échange est d’animer le combat de l’existence et de sauvegarder les libertés individuelles par le libre jugement des services à échanger. C’est aussi de résister à tous les formalismes et à tout arbitraire bureaucratique par une perpétuelle confrontation entre la balance sociale (prix des services et des marchandises d’après la loi de la valeur sociale du travail) et la balance économique (prix des services et des marchandises d’après la loi de l’offre et de la demande).
L’équilibre entre ces deux balances est assuré par le profit social, qui est une plus-value sociale partagée, par le phénomène des vases communicants, entre les individus qui ont part à la production, à la distribution et à la consommation des produits du travail.
Le profit social impose une forme scientifique de la libre concurrence, où les rapports entre commerçants sont réglés par une législation anti-trust qui exclut toute concentration d’une certaine ampleur, même sous la forme de coopératives de consommation.
L’étude de l’évolution du progrès économique par rapport aux structures de la population des pays industriellement développés montre que le volume de la production agricole a augmenté, souvent presque proportionnellement avec la montée démographique, mais que la productivité de l’heure-travail s’est améliorée à un rythme beaucoup plus rapide.
A mesure que le rendement du travail a augmenté dans l’agriculture, un nombre toujours plus restreint de travailleurs s’est révélé suffisant à nourrir la collectivité.
Il y a eu, en conséquence, une libération proportionnelle de la main-d’œuvre qui a émigré vers les autres activités de la production.
Dans l’industrie, en revanche, le volume de la production s’est accru considérablement, mais proportionnellement à l’augmentation de la productivité de l’heure-travail. La population industrielle a donc enregistré un faible progrès en valeur relative et finalement a manifesté une certaine tendance à régresser.
Dans le secteur tertiaire (où les services sont fournis par l’emploi direct de la force travail intellectuelle et physique de l’homme, sans addition sensible d’énergie et sans l’aide d’une mécanisation poussée : professions libérales, commerce, administration, artisanat, etc.) le volume de la production des services a augmenté considérablement et proportionnellement à l’amélioration incessante du standing de vie général.
Mais la productivité de l’heure-travail n’ayant bénéficié que d’un progrès technique assez faible, est restée à peu près stationnaire (un avocat, un commerçant, un garçon de café, un coiffeur ne servent guère plus de clients aujourd’hui qu’au siècle dernier). En conséquence les effectifs de ce secteur n’ont cessé de s’accroître, en valeur relative, avec les exigences nouvelles de la vie moderne.
D’ores et déjà dans les pays où les techniques et l’économie sont les mieux développés, les effectifs du secteur tertiaire atteignent les 60% de la population active, contre 40% du secteur professionnel (industrie et agriculture). Il est donc prévisible que ces tendances s’imposeront à l’homme et se réaliseront inévitablement partout comme une loi du progrès.
Ainsi se constitue dans tout le monde civilisé une majorité de la population active où la valeur des services échangés est déterminée par des jugements individuels libres et directs de la valeur des prestations : une majorité où la propriété individuelle des moyens de production est traditionnelle chez les uns et tend à se généraliser chez les autres sous la forme coopérative et d’après le droit de propriété ad valorem : une majorité où l’esprit de coopération se concrétise dans la coordination des valeurs communautaires avec la valeur du travail individuel et, par là, avec la personne humaine du producteur : C’EST L’AUBE DE LA CIVILISATION TERTIAIRE.
8.LES SOURCES RELIGIEUSES ET SCIENTIFIQUES DE LA DOCTRINE SOCIALE CHRETIENNE
9.LE JUGEMENT DE DIEU
« Je vous le dis en vérité, jusqu’à ce que passent le Ciel et la Terre, un seul iota, un seul petit trait de la Loi ne passera pas que tout ne soit accompli ».
(Matthieu, V, 18)
La foi en cette Parole ouvre l’intelligence au Jugement de Dieu qui est la loi de l’univers, l’âme des Ecritures et le sens de l’histoire du peuple élu.
Acte d’amour par excellence, le Jugement de Dieu est une conception de la pensée divine qui engendre et finalise toute vie, tout mouvement, toute énergie, toute forme, toute dimension, toute durée, en ordonnant une interaction constante de deux facteurs opposés qui constituent la « matière » du jugement :
• « Dieu n’a pas créé un seul éon, mais deux éons »
(Esdras, IV, 7,50)
• Au commencement les Elohims créa le Haut et le bas »
(Genèse, I, 1)
Ce sont les deux éons d’Esdras, le ciel et la terre, l’univers spirituel et l’univers matériel.
• La tradition place dans l’univers spirituel le premier jugement de Dieu : c’est le verdict contre les esprits rebelles au plan de l’Incarnation :
« Je voyais Satan tomber du Ciel comme la foudre » dit le Verbe Incarné.
(Saint Luc, X, 18)
• Tout émane de l’Etre qui seul existe de par lui-même; II détermine les oppositions et y manifeste sa justice :
« Je suis Yahweh et il n’y en a point d’autres,
Je forme la lumière et je crée les ténèbres,
Je fais le bien et je crée le mal :
C’est moi, Yahweh qui fais tout cela ;
Cieux répandez d’en haut votre rosée et que les nuées fassent pleuvoir la justice »
(Isaie, XIV, 7-8)
• La Justice descendue des Cieux opère au cœur des alternatives posées au jugement :
« En face du Bien il y a le mal,
En face de la Vie il y a la mort,
En face du Juste il y a le pêcheur ;
Considère toutes les œuvres du Très-haut ;
Elles sont deux à deux, l’une opposée à l’autre ».
(Ecclesiaste, XXXIII, 14-15)
• Fait à la ressemblance du Juge éternel, l’homme a été placé devant les mêmes alternatives, au départ pour la Terre promise :
« Je prends aujourd’hui à témoin contre Vous
le Ciel et la Terre : j’ai mis devant Toi
la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction.
Choisis donc la vie afin que tu vives,
toi et ta postérité en aimant Yahweh ton Dieu,
en écoutant sa Voix et en t’attachant à Lui,
car cela est ta Vie ».
(Deuteronome, XXX, 19,20)
10.JUGEMENT ET CREATION
La Genèse n’emploie le mot « créer » qu’avant le premier jour « Au commencement les Elohims créa le Haut et le bas » (I, 1), au cinquième jour pour « toute âme vivante et dotée de mouvement » (I, 21) et au sixième jour pour l’homme : « Elohim créa l’homme à son image ; II les créa mâle et femelle » (I, 27).
Le bas – l’univers matériel – est « informe et vide » : les trois éléments qui, seuls, le constituent sont : les abîmes (les espaces), les ténèbres et l’eau.
Les « journées » commencent : Dieu ordonne, fait, sépare, assemble. Son jugement commande une transmutation progressive de la matière originelle pour constituer les systèmes, les catégories, les espèces et les familles de l’univers.
Ainsi les 6 premières journées cosmiques de la création nous apparaissent comme les six étapes d’une dialectique divine qui fait progresser, dans un sens évolutif, la chose créée. A chaque étape Dieu « regarde » son œuvre et la juge avec des mots identiques : « II vit que cela était bon ».
Au sixième jour, il répète deux fois : « II vit que cela était bon… il vit que cela était très bon ».
(Genèse, 1,4,10,12,18,21,25,31).
Ce sont les sept jugements des origines.
11.JUGEMENT ET LUMIERE
Le premier jour le Verbe ordonna : « Que la lumière soit » (ib. 3)
Et la lumière jaillit des eaux, au milieu des ténèbres, dans les espaces incommensurables.
Le sens scientifique de ces premiers versets de la Genèse a été expliqué, en quelques mots, par Robert J. Oppenheimer, le père de la bombe atomique. C’était le 16 Juillet 1945, à Alamagordo. Dans un fracas de mille et mille tonnerres, les éclairs aveuglants de l’explosion venaient d’incendier le ciel et la Sierra de la Sangre de Cristo. Le sol avait tremblé et les observateurs avaient été renversés, les uns sur les autres, dans leurs abris. Un journaliste effrayé, dit au célèbre physicien : « Cet éclair est celui que verra l’homme à la fin du monde ». « Non » répliqua Oppenheimer « c’est l’éclair que vit Dieu lorsqu’il ordonna : que la lumière soit ».
Doit-on commenter les paroles du savant juif ? Si la lumière des origines est, pour lui, l’effet d’une fission nucléaire analogue à celle d’Alamagordo, la stricte lettre des mots « les eaux qui couvraient les abîmes » est conforme à l’hypothèse scientifique d’une transmutation de l’atome n° 1, l’hydrogène (1 proton -charge positive- et 1 neutron -charge négative), en atome n°2 (2 protons, 2 neutrons). Comme dans le soleil.
On rejoindrait ainsi la thèse de Lemaître et le tableau de Mendeléev : de transmutation en transmutation, jusqu’à l’uranium (92 protons, 92 neutrons).
C’est la « production » mathématique des corps simples, matériaux de base du cosmos. Rappelons que les Russes, en 1955, faisant éclater un noyau d’uranium, ont retrouvé, au terme de la spallation, les éléments radioactifs des autres 91 corps simples.
De toutes manières, l’ordre du microcosme et du macrocosme se caractérise par les interactions du ‘positif et du négatif : qu’il s ‘agis -se des parcelles de la matière et de l’anti-matière, des neutrinos et des anti-neutrinos, des protons et des neutrons jusqu’aux interactions des systèmes planétaires, il est un « ordre des opposés » d’où jaillit le mouvement, l’énergie, la lumière, l’évolution et la vie, La science ne peut expliquer cet ordre; le Jugement continu de l’Ordonnateur, seul, le justifie.
Cela dit, nous reconnaissons volontiers la saveur poétique de cette Lumière que la Genèse place au commencement de l’ordre créé. La vérité est toujours poésie. Mais, ici, la poésie rejoint la découverte fondamentale d’Einstein :
E = mc²
E, énergie, égal à m, masse, multiplié par c², le carré de la vitesse de la lumière.
Cette équation domine toute la science moderne. Elle pose la Lumière comme unité de mesure à la source de toute mutation, de toute évolution dans le microcosme et le macrocosme.
Or, l’Ecriture, la Tradition et le Magistère nous apprennent que le comportement de cette lumière matérielle dont vibra l’espace dès le premier matin, n’est qu’un reflet de la Lumière spirituelle qui était avant la création du Monde.
La Genèse, en effet, commence par les 5 versets suivants :
« Au principe Elohim créa le Haut et le Bas…
Elohim dit : que la lumière soit.
Et la lumière fut…
Elohim sépara la lumière des ténèbres ».
(I, 1 – 5)
L’Evangile de Saint Jean commence par les 5 versets suivants :
« Au principe était le Verbe…
Tout par lui a été fait…
Tout ce qui a été fait était vie en Lui
Et la Vie était la lumière des hommes
Et la lumière luit dans les ténèbres
Et les ténèbres ne l’ont point arrêtée ».
(I, 1 – 5)
C’est une divine symétrie qui pose la séparation de la lumière et des ténèbres comme l’acte primordial du jugement sur les plans spirituel et matériel.
Le jugement de Dieu est Lumière, le Juge lui-même est la Lumière : « Je suis la Lumière du monde ». (Jean, VIII, XII).
Pie XII, en son message pascal de 1958, déclarait : « Comme à l’aube de la Création, la lumière, jaillie d’abord des mains de l’Ordonnateur tout-puissant d’un cosmos encore informe, chaotique et ténébreux, fut placée, pour ainsi dire, au seuil de tout ordre et de toute beauté, à l’origine de tout développement et de toute vie – ainsi, dans l’œuvre de restauration comparée par l’Apôtre à une nouvelle création, la lumière du Christ est l’élément premier, fécond, indispensable de l’ordre nouveau établi par le Fils de Dieu… le même Verbe de Dieu qui présida à la Création de toutes choses visibles et invisibles, s’est incarné pour mener à terme l’Oeuvre entreprise au commencement des temps… »
Les « analogies » entre la Lumière spirituelle et la lumière physique ne sont pas les seules que nous propose la lecture de la Genèse. On en retrouve d’aussi étonnantes dans les 6 journées cosmiques de la Création, qui sont les cycles d’une transmutation ordonnée par le Jugement de Dieu.
Au sommet de la création évolutive le sixième jour, Dieu créa l’homme :
« Elohim créa l’homme à son image,
II les créa à l’image d’Elohim, il les créa mâle et femelle ». (1 -27)
« Elohim forma, donc, l’homme avec la boue de la terre et lui souffla au visage l’esprit de la vie et l’homme devint une âme vivante ». (II, 7).
Ainsi le corps de l’homme est formé par la poussière de la terre, son âme vivante est créée par le souffle de l’Esprit.
Par son corps, l’homme participe à la vie de la matière qui est un ordre établi d’après un jugement de l’Esprit sur la matière; par son âme, l’homme participe à la vie de l’Esprit qui est jugement.
En fait, le premier acte que Dieu propose à l’homme est de « nommer »; de « juger » les autres créatures :
« Yahweh Dieu, qui avait formé du sol tous les animaux des champs et les oiseaux du Ciel, les fit venir à l’homme pour voir comme il les appellerait et pour que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l’homme.
Et l’homme donna des noms à tous les animaux domestiques, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ». (II, 19-20).
Par ce jugement, l’homme détermine les fonctions et la raison d’être des autres créatures par rapport à son mode de vie; il exerce sur elles la loi maîtresse de l’intelligence : tel est le sens biblique de leur donner un nom. Telles sont, aussi, les limites de l’immense étendue des jugements humains au-delà desquelles se lève, tentateur, l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal.
Si elle pouvait s’emparer de cette connaissance – qui est pur jugement de Dieu et fonction créatrice – la créature deviendrait créateur, en détruisant sa propre nature. C’est pourquoi Elohim dit au premier homme : « Ne touche pas aux fruits de cet arbre, sinon tu mourras ».
Mais le tentateur assura la femme que Dieu avait menti : « Non, vous ne mourrez point. Dieu sait que le jour ou vous en mangerez – quel que soit ce jour – vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal ». (Genèse, I, 3/5)
« Quel que soit ce jour » : toute la destinée de l’homme en si peu de mots ‘. Eve goûta au fruit et en fit goûter à Adam : ils violèrent les frontières entre la nature humaine et la nature divine. Le premier fruit de la connaissance du Bien et du Mal fut la responsabilité et celle-ci amena le jugement. Dès lors, l’homme fut, à la fois, jugé par Dieu et par soi-même.
Elohim ne relève pas la barrière renversée : il ne maudit ni Eve, ni Adam, mais les condamne, devant la brèche ouverte, à vivre et à mourir dans la terre des tentations et des jugements. Il maudit Satan et lui annonce : « Je mettrai une inimitié entre Toi et la Femme, entre sa Progéniture et ta progéniture (III, 15). Elle te meurtrira à la tête et tu la meurtriras au talon (ib. 16).
Dans un langage qui dépasse toute science philologique, la Genèse trace ainsi les principes et le cadre historique du christianisme. Tout y est : la Foi première des lois, la notion du péché, le rapport de valeur entre connaissance et responsabilité, le rapport de justice entre tentation et jugement, la fonction vitale du travail, le combat chrétien et son issue, la puissance de l’Eve nouvelle et de sa progéniture, qui écrasera le « cerveau du mal ».
12. LA FOI, LA LOI ET L’HEREDITE
Adam avait succombé à la tentation parce qu’il avait manqué de Foi et de reconnaissance.
Sa progéniture trouve la voie de la Rédemption par la Foi d’Abraham, père des vivants.
Moïse, héritier de la Foi d’Abraham reçoit le don de la Loi qui révèle le Jugement de Dieu et informe le jugement de l’homme.
Le Jugement de Dieu sur l’homme est un acte sélectif de l’Amour qui forge, à travers les millénaires, le peuple de l’Assomption. Avant de donner – une première fois – les Tables de la Loi à Moïse, Yahweh, – l’Etre – proclame sur la Montagne en feu :
« Moi, Yahweh ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punit l’iniquité des pères sur les enfants, sur la troisième et quatrième génération pour ceux qui me haïssent, et faisant miséricorde jusqu’à mille générations, pour ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements »‘
(Exode, XX, 5-6)
Après la trahison d’Israël, Moïse remonte au Sinaï pour recevoir – une deuxième fois – les tables de la Loi. Le Seigneur passe devant Lui et réaffirme les principes divins de l’hérédité :
« Yahweh ! Yahweh ! Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve sa grâce jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la révolte et le péché; mais II ne les laisse pas impunis, visitant l’iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération ».
(Exode, XXXIV, 6-7)
Ainsi se trouve décrit par le Législateur Suprême et son Prophète, le Jugement de miséricorde qui s’applique à tout individu et se poursuit, de génération en génération, « jusqu’à ce que soit au complet le nombre des élus ».
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A l’acte de sa conception, tout être humain nouveau – c’est une loi biologique – reçoit l’héritage de ses parents et de leurs ascendants. C’est là que le Jugement de Dieu « opère » d’après l’inscrutable « mathématique » de Sa toute-puissante Miséricorde. C’est là que la balance de la Justice divine « équilibre » l’embryon de l’être nouveau par deux poids et deux mesures : le Bien est récompensé sur mille et mille générations, le mal est puni jusqu’à la troisième et quatrième génération. Ainsi toute créature nouvelle est parée pour le combat de la connaissance qui l’attend, elle est en mesure de se former, elle-même, par son propre jugement.
13.JUGEMENT ET PERSONNALITE
Régénéré par le Jugement de Dieu, l’homme bâtit sa personnalité à l’image du Juge, pour autant qu’il se jugera lui-même dans le respect de la Loi révélée.
Il la bâtit tout d’abord par ses perceptions du monde extérieur, toute perception étant « jugée » par l’homme avant d’être classée, à sa place et à son rang, dans l’arsenal de la mémoire où il assemble ses connaissances.
A leur tour, les connaissances acquises se confrontent entre elles pour déterminer tout nouveau jugement, toute nouvelle connaissance. Ainsi, la connaissance se forme par le jugement et le jugement s’informe de la connaissance.
L’homme juge comme il pense. Le jugement de l’homme est une conception de la pensée qui jaillit de sa mémoire consciente ou subconsciente, là où sont inscrites et cataloguées, sous forme de souvenirs, ses connaissances acquises.
Pour décider ce qu’il dira ou fera, l’individu confronte entre eux ses souvenirs de ce qu’il a été dit ou fait – par lui ou par d’autres. Le choix qui résulte de cette confrontation est toujours un jugement de valeur, bon ou mauvais, quelle que soit l’importance de l’objet considéré. Et toujours ce choix- si foudroyant soit-il – précède la parole ou l’action.
A mesure de leur fréquence, de leur intensité et de leur durée, les jugements de l’individu « s’incorporent » en lui par des habitudes bonnes ou mauvaises, qui caractérisent sa personnalité et son mode de vivre.
Chaque jour, la science nous explique un peu mieux le mécanisme psycho-physiologique du jugement et son lien fonctionnel avec la vie et la connaissance.
La neurologie localise le centre du psychisme dans le cerveau qui est le poste de commandement de toutes les fonctions humaines : perceptions, souvenirs, affections, langage, mouvements. Le système cérébral reçoit les perceptions, les emmagasine et les catalogue dans les « casiers » neuroniques : il en fait des connaissances acquises.
Dès lors, les neurones peuvent échanger, par « leurs » moyens énergétiques, des messages qui confrontent entre elles les connaissances dont ils sont porteurs.
Cette confrontation détermine -pour chaque « cas »- la « meilleure solution », c’est-à-dire le jugement qui déclenche les gestes ou les expressions de langage.
D’après le neurologue doublé du mathématicien, les confrontations que pourraient effectuer entre eux les seize milliards de neurones d’un cerveau humain correspondraient à un potentiel de comportements, qui pourrait se chiffrer par un numéro suivi de zéros couvrant un volume de quelque mille pages, format annuaire téléphonique et imprimées en corps 8.
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Page manquante à rechercher
… prodigieuse d’assimilation de connaissances données, d’après un ordre chronologique donné.
Nous avons tous observé, par exemple, la période sensible du langage, au cours de laquelle l’enfant est investi d’une sensibilité extraordinaire pour retenir les mots et leur prononciation. Il en fait, sans effort, une acquisition exacte qu’il ne pourra jamais plus réaliser à aucune autre période de sa vie.
Non moins caractéristique est la période sensible des acquisitions religieuses, qui suit de près celle du langage. C’est alors que l’enfant assimile les Mystères de la Foi et les place à la base de son système de jugement: la Trinité du Dieu unique, la Vierge-Mère, l’Incarnation, la Rédemption, la Résurrection, l’Ascension, l’Assomption, répondent tout naturellement à ses besoins de connaissance. Pourvu que le Mystère soit énoncé tel quel, sans fard et sans détours, l’enfant ne questionne presque jamais à son sujet : il l’accepte, il s’enrichit, il constitue sa défense contre la tentation du doute lorsqu’il sera adulte. Aussi bien le Seigneur dit à ses disciples : « Si vous ne devenez pas comme l’un de ces petits, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux ». C’est le Juge qui parle.
Chaque période sensible a son temps et sa fonction; aucune ne se renouvelle, toutes se caractérisent par une énergie primordiale qui affleure à la conscience, dit Maria Montessori, comme une intelligence d’amour. En fait, dans la période sensible des acquisitions religieuses, l’enfant a « l’intelligence » de la foi pour assimiler les mystères de Dieu avec une émouvante ferveur et les « incorporer » au mécanisme de ses jugements comme une pierre de touche de la Vérité.
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Ainsi, depuis l’enfance, l’individu forme et exprime sa personnalité par ses jugements de la Valeur, qui appliquent, interprètent, ignorent ou refusent la Loi révélée de la Vie éternelle.
Pour nous chrétiens, cette loi a un visage maternel d’une incomparable beauté : celui de 1’IMMACULEE CONCEPTION.
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14.L’IMMACULEE CONCEPTION
Le jugement est la vie de l’esprit : tout jugement est une conception – divine ou humaine – de la pensée.
La conception est l’acte de l’amour : d’un amour pur, une conception pure, un jugement pur, une parole pure, un acte pur.
L’amour pur habite les Cieux. Le Christ enseigne à Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne nait d’en haut, ne peut voir le Royaume des Cieux ».
Nicodème est surpris : « Comment un homme, quand il est âgé, peut-il renaître ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère pour renaître ? »
Jésus réaffirme : « En vérité, en vérité, je te le dis, nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ».
Ainsi le Christ pose la nécessité d’une conception divine pour élever la nature d’en bas à la Vie de la Nature d’en Haut.
Elle est de l’ordre des choses infinies, la Conception divine : « Quando praeparabat coelos adheram » ; depuis l’origine des temps, elle est au centre de l’univers intemporel, de l’univers spirituel et, donc, de l’univers physique. Car tout a été créé, tout a été ordonné d’après la Conception de la Pensée divine et par le jugement du Verbe qui s’est incarné en Marie.
Après son aspect temporel de Nazareth, la conception du Christ continue dans le Corps mystique, faisant suite au FIAT de l’humble Vierge juive : la Mère de l’Homme Dieu devient la Mère du peuple élu.
Par Elle, Dieu conduit son Eglise vers l’unité : lorsque le temps est venu, c’est un même pontife qui proclame le dogme de la Conception immaculée de Marie et de l’infaillibilité du Chef de l’Eglise.
Le père Marie Antoine, capucin, appelé le Saint de Toulouse, a écrit : « Entre les deux forteresses qui défendent l’Eglise – l’Immaculée et la Papauté – il y a un petit grain de sable contre lequel se briseront les vagues de l’Océan. Ce petit grain de sable, par lequel les flots écumeux seront vaincus, est Bernadette, l’apôtre de l’Immaculée ».
Comment cela ? Eh bien, c’est une page d’histoire de l’Eglise qui appelle un récit fidèle des événements de Lourdes ; c’est le 25 mars 1858. Les quinze visites à la Grotte de Massabielle viennent de se terminer avec l’enseignement du Rosaire, de la pénitence et de la prière pour les pécheurs. La Vierge a demandé que ce lieu soit consacré pour le culte et a invité les fidèles à y venir en procession. Le témoignage de l’eau a jailli du sol et l’Esprit a vivifié la foi de ceux qui ont cru sans rien avoir vu de ce que la petite voyante a vu.
Trois semaines se sont écoulées depuis la dernière apparition. Dès la veille, Bernadette a entendu l’appel qui l’a faite frémir d’attente toute la nuit.
Le jour se levant, elle accourt à Massabielle et, lorsqu’elle arrive, l’Apparition est là-haut qui l’attend, enveloppée de lumière.
Voici, face à face, deux jeunes filles à l’âge où la conception est possible : l’Une est à la plénitude de la Conception, l’autre ne connaît rien de cet acte de vie; l’Une est descendue toute resplendissante du Ciel pour annoncer la libération de l’homme, l’autre vient, pauvrette, du cachot où elle habite; l’Une est la Sagesse de Dieu, l’autre ne connaît pas le catéchisme; l’Une a conçu le Christ, l’autre n’a pas encore fait sa première Communion.
C’est le 25 mars, la date que désormais les fidèles retiendront comme une synthèse mariologique : l’Eglise a choisi ce jour pour honorer explicitement l’Annonciation à Marie et implicitement la Conception du Christ ; la Vierge l’a choisi pour révéler au Monde SON NOM, c’est-à-dire l’essence, la puissance et la raison de son Etre.
Jusqu’alors, on ne parlait que de la « dame de Massabielle ». Plusieurs fois, pour obéir aux ordres de son curé, Bernadette avait demandé son nom à la « Dame » qui, chaque fois, avait souri sans répondre. Ce jour-là, Bernadette renouvelle à trois reprises sa demande. Laissons parler la petite voyante :
« La Dame se tenait au-dessus du rosier et avait l’attitude de la Médaille Miraculeuse. A ma troisième demande, Elle prit un air grave et parut s’humilier… Elle joignit les mains et les porta sur la poitrine… Elle regarda en haut… puis, séparant ses mains et se penchant vers moi, Elle me dit en laissant trembler sa Voix :
Que soy era Immaculada Councepciou –
JE SUIS L’IMMACULEE CONCEPTION
Si Bernadette n’avait rapporté que cela : « Elle parut s’humilier… Elle me dit en laissant trembler sa voix : je suis l’Immaculée Conception », elle en aurait dit assez pour qu’aucun être doué de raison ne put jamais douter de la valeur transcendante de son témoignage : la Mère du Christ, la Reine Céleste, Celle qui triomphe de l’orgueil de Satan, est une jeune fille qui tremble d’humilité en annonçant la grandeur de son Nom.
« Que veut dire, Mademoiselle, l’Immaculée Councepciou ? » demandait, dans l’après-midi, la voyante à la sœur d’Estrade. « On dit Conception, Bernadette, pas councepciou ».
« JE SUIS L’IMMACULEE CONCEPTION »
« Ce n’est pas une synthèse idéologique » a écrit Monseigneur Calvet. « Qui dit Conception, dit action et vie. C’est donc une abstraction vivante et agissante comme celle de Jésus : Je suis la Vérité, la Lumière et la Vie -, car II est, totalement et substantiellement, toute Vérité, toute Lumière, toute Vie. D’une manière analogue et parce que l’Homme-Dieu, dont Elle est la Mère, a voulu la faire participer à son totalitarisme transcendant, Marie est toute Conception Immaculée.
« Elle embrasse, donc, par la réalité comme par le Nom, tout ce qui est conçu : l’Eve nouvelle, le Verbe fait chair, tout enfant de Dieu naissant à la vie surnaturelle, tout jugement, toute volition, tout ce qui sort de la main de Dieu et tout ce qui sort de la source jaillissante de l’activité humaine… »
Charles Péguy avait eu l’intuition de ces prodigieuses réalités quand il écrivait à Stanislas Fumet :
« Toutes les questions spirituelles, éternelles et charnelles gravitent autour d’un point central, auquel je ne cesse de penser et qui est la clé de voûte de ma religion : c’est l’Immaculée Conception ».
Que ces immensités du Jugement apparaissent, à la fois, surhumaines et si proches de nous ! depuis que la Vierge nous a dévoilé à Lourdes le mystère des paroles de son Fils à Nicodème : « Nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ».
La Vierge apparue dans ce Rocher est la Mère qui vient d’en Haut ; l’Esprit est avec Elle et l’eau a jailli sous ses Pieds. C’est une Mère véritable qui reçoit véritablement en son Sein spirituel le vieil homme et le régénère à la Vie de l’Esprit par la régénération des sources spirituelles et physiologiques du jugement : par l’Amour du Bien et la haine du mal.
Tout jugement étant conception de l’esprit, nul jugement n’est étranger à l’Immaculée Conception, épouse de l’Esprit :
MERE DU DIEU FAIT HOMME, MARIE PARTICIPE, PAR LA NATURE DU FILS ET DE L’EPOUX, AU JUGEMENT DE DIEU; MERE DES HOMMES, ELLE PARTICIPE, PAR SA PROPRE NATURE, AU JUGEMENT DE L’HOMME : L’HARMONIE, EN SA PERSONNE, DES DEUX JUGEMENTS, FAIT D’ELLE LE PROTOTYPE DE L’ASSOMPTION DE LA NATURE HUMAINE A LA VIE DE LA NATURE DIVINE.
Le cri de « Mère, Mère, Mère ! » qui résonne depuis un siècle dans la Vallée de Massabielle, n’est pas une formule creuse de dévotion : le cri des mille et mille qui ont senti la Présence de leur Mère devant ce Rocher est un cri œcuménique.
Peut-être l’ont-ils médité ces théologiens musulmans de l’Université du Caire qui, en 1958, ont prié avec moi à la Grotte. Je leur avais dit : « Avec de pareils pèlerinages, vous aboutirez un jour à la doctrine de la Conception immaculée de Marie » – « Pardon, Monsieur, me répondit l’un d’eux, nous y sommes venus quelques siècles avant vous. Il est écrit dans le Coran : « Tout fils d’Adam, nouveau-né, est touché par Satan, sauf le Fils de Marie et sa Mère… Et le chapitre XIX, intitulé Maryam, fait le récit de l’Annonciation a peu près dans les mêmes termes que le premier chapitre de l’Evangile de Saint Luc ».
Sans doute, l’appel œcuméniques de Lourdes a été entendu par les nombreux pères conciliaires qui sont venus célébrer à la Grotte au début de ce mois de novembre, tout de suite après qu’une majorité de justesse au Concile avait pu inclure le schéma de la Vierge dans le schéma de l’Eglise.
Les théologiens de Vatican II auront à définir la Valeur œcuméniques de la Mariologie traditionnelle sur le plan de la théologie; nous, sociologues chrétiens, la définissons sur le plan de la sociologie :
L’Immaculée Conception est l’âme de la doctrine sociale chrétienne.
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15.ANNEXES
A. DECLIN DU MARXISME-LENINISME
En Juin 1865, Marx aborde « le développement réel de la question » en ces termes :
« Une marchandise a une valeur parce qu’elle est une cristallisation de travail social. La grandeur de sa valeur, sa valeur relative, dépend de la quantité plus ou moins grande de la substance sociale qu’elle contient, c’est à dire de la quantité relative de travail nécessaire à sa production. Les valeurs relatives des marchandises sont donc déterminées par les quantités ou sommes respectives de travail qui sont employées, réalisées, fixées en elles… Dans le calcul de la valeur d’échange d’une marchandise il nous faut ajouter la quantité de travail antérieurement incorporé dans la matière première de la marchandise, ainsi que la quantité de travail appliquée aux moyens de travail, aux outils, aux machines et aux bâtiments qui ont servi dans ce travail ».
En conséquence, Marx croit pouvoir affirmer : « Les valeurs des marchandises sont directement proportionnelles au temps-travail employé à leur production et inversement proportionnelles aux forces productrices de travail employées ».
(Marx, Salaires, prix et profit, Ed, Sociales, Paris, 1945, p. 13)
Et plus loin : « La valeur du travail de l’ouvrier se résout dans la valeur de sa force-travail, qui est déterminée à son tour par la valeur des choses usuelles nécessaires à sa conservation et à sa reproduction et dont la valeur est finalement réglée par la quantité de travail qu’exigé leur production » (ib. p. 34)
De ces principes, Marx tire la conclusion qu’il existe un rapport physiologique entre la durée de la journée de travail et le pouvoir d’achat du travailleur. Mais ce rapport « naturel » entre le potentiel des services à rendre et les rémunérations à percevoir est faussé par le profit capitaliste; Marx en déduit : « Le maximum du profit n’est limité que par le minimum physiologique du salaire et le maximum physiologique de la journée du travail. Il est clair qu’entre ces deux limites du taux maximum du profit, il y a place pour une échelle immense de va-rations possibles. Son degré réel n’est déterminé que par la lutte incessante entre le capital et le travail, le capitaliste essayant continuellement d’abaisser les salaires à leur minimum physiologique, tandis que le salarié exerce une pression dans le sens opposé. La chose se réduit à la question des forces respectives des combattants ».(ib. p. 36)
Ainsi se trouvent « justifiés » la lutte des classes et les deux objectifs primordiaux de la révolution prolétarienne :
ABOLITION DU SALARIAT et ABOLITION DU DROIT DE PROPRIETE PRIVEE DES MOYENS DE PRODUCTION
Mais, en fait, ces deux objectifs sont contradictoires, l’un étant la négation de l’autre : si on abolit la condition salariale, il n’y a plus que des propriétaires et, inversement, si on abolit le droit de propriété des moyens de production, il n’y a plus que des salariés d’Etat.
Il est évident que si on veut effacer la contradiction et réaliser le socialisme, il faut rejeter l’un ou l’autre de ces objectifs… ce qui ne semble guère possible sans un effondrement général du système marxiste.
En pratique, les régimes communistes ont adopté la propriété d’Etat et, corollaire obligatoire, le salariat d’Etat. C’est à dire qu’ils sont entrés dans la phase du capitalisme d’Etat – dite dictature prolétarienne – que Marx avait prévue comme une étape dans la construction du socialisme, avant le passage au communisme. Mais la doctrine marxiste-léniniste s’est avouée incapable d’indiquer comment ce passage pourrait s’effectuer : « Par quelles étapes, dit Lénine, par quelles mesures pratiques l’humanité s’acheminera-t-elle vers ce but suprême, nous ne le savons pas, ni ne pouvons le savoir ».
(Lénine, l’Etat et la révolution, ed. lang. étrang., Moscou, p. 125)
Les successeurs de Lénine ne le savent pas non plus : en réalité, dans sa marche vers la société sans classes, la révolution des travailleurs n’a pas fait halte à « l’étape » du capitalisme d’Etat; elle y a bel et bien abouti en fin de course, parce qu’elle n’a pas l’économie de sa doctrine ; pas de loi économique « socialiste » pour remplacer la loi « capitaliste » de la demande et de l’offre qu’elle venait de proscrire.
Cependant, deux formules de choc animent toujours les constructeurs du socialisme : d’abord,
DE CHACUN SELON SES CAPACITES, A CHACUN SELON SON TRAVAIL
ensuite,
DE CHACUN SELON SES CAPACITES, A CHACUN SELON SES BESOINS.
Seulement, voilà : il faut une loi de la valeur pour apprécier les capacités et le travail de chacun, comme il faut une loi de la valeur pour apprécier les besoins de chacun par rapport à sa capacité propre et à celle d’autrui.
Or, si la loi de la valeur est celle de Léontiev (et il n’en est point d’autre en régime communiste), qui fait de l’Etat le maître de la valeur, c’est la bureaucratie qui est la structure fondamentale d’un tel Etat.
Par conséquent, c’est le pouvoir bureaucratique totalitaire qui détermine arbitrairement « la valeur objective » du travail, les salaires et les prix, les récompenses et l’attribution des charges.
Par conséquent, la classe bureaucratique devient le fondement constitutionnel, moral, juridique et politique des régimes d’obédience marxiste ; ce qui tombe sous les anathèmes de Marx et de Lénine contre la bureaucratie.
Par conséquent, on consolide l’Etat qu’on voulait détruire et on refuse le jugement social de la Valeur, sans lequel il ne peut y avoir ni socialisme, ni liberté, ni justice sociale.
Bien sûr, l’Etat totalitaire issu de la révolution prolétarienne revendique l’héritage du marxisme à qui le monde est redevable d’avoir pris conscience d’injustices sociales intolérables avec le progrès de la société moderne. Nul ne conteste la valeur historique de cet héritage. Mais l’avenir a un autre visage : au fur et à mesure que l’Union soviétique améliore sa productivité et accroît sa production pour rattraper le standing de vie américain, elle offre à la masse de ses consommateurs une quantité toujours plus grande et plus variée de biens de consommation.
Lorsqu’elle aura atteint le but de son « plan », le consommateur russe pourra donc choisir – comme l’américain – les services et les marchandises à son goût et à sa convenance. Et, bien entendu, il voudra choisir et avoir les moyens d’acheter ce qu’il aura choisi.
Or, ce choix est un jugement de valeur fondé sur les droits de l’homme. C’est un « test » des libertés individuelles et sociales à l’encontre du pouvoir arbitraire de la bureaucratie.
… mais, si l’abondance des biens de consommation efface la loi de Léontiev, avec quelle loi la remplacera-t-on ? Avec celle de l’offre et de la demande ou avec celle de la stratégie thermo-nucléaire ?
B.L’AVIS D’UN SAVANT ATHEE
Pour contrôler les données scientifiques sur lesquelles est fondée la thèse « Jugement et Lumière » (p.25) notre président a consulté le professeur Berthelot, ancien premier adjoint de Joliot-Curie et l’une des personnalités les plus marquantes de la science française – Voici la minute de la conversation qui eut lieu le 9 février 1958 :
1) Notre Président – Vous savez que nous avons des positions opposées sur le plan religieux. Or, je voudrai justement vous poser quelques questions qui, tout en restant dans le cadre scientifique, ont un but de recherche religieuse. Vous ne tarderez pas à vous en apercevoir dès mes premières questions. Mais je sais que vous êtes aussi grand spécialiste que parfait honnête homme et je pense que vous ne vous formaliserez pas. Voici ma première question :
Peut-on définir l’atome « une entité énergétique » ?
R. Je dirai qu’il « contient de l’énergie » et plus exactement « que le noyau d’atome est un corpuscule contenant une certaine quantité d’énergie ».
2) D. Peut-on dire que les noyaux des atomes se forment par l’agglomération des protons ?
R…. et des neutrons.
3) D. Peut-on accepter la table de Mendeleif comme une base sûre pour définir les caractères mathématiques fondamentaux des corps simples ?
R. Oui.
4) D. En conséquence, l’ordre mathématique de « l’échelle » des corps simples déterminé par la table de Mendeleif, justifie-t-il les termes : construction ou édifice ou structure géométrique ou mathématique de l’univers atomique ?
R. Structure mathématique seulement.
5) D. Les molécules sont-elles toujours constituées par des atomes ?
R. Oui.
6) D. Les cellules sont-elles constituées par des molécules ?
R. Comme toute matière.
7) D. Les organes sont-ils constitués par des cellules ?
R. Oui.
8) D. Peut-on émettre l’hypothèse que l’évolution de la matière et de ses formes commence par l’éclatement de l’atome d’hydrogène ?
R. C’est une hypothèse sérieuse et défendable… Voir l’abbé Lemaître.
9) D. Dans ce cas, quelle « énergie excitatrice » aurait pu provoquer la fusion des atomes d’hydrogène ?
R. Des courants intenses électriques.
10) D. Est-il exact de dire que la matière est formée par deux particules de base : le nucléon et l’électron, la charge positive et la charge négative ?
R. Vous pourriez dire : des particules portant respectivement charge positive et charge négative.
11) D. Est-il permis de dire qu’il y a dualisme ou symétrie entre positon et électron, entre meson-plus et meson-moins, entre neutrino et antineutrino ?
R. Symétrie, oui, comme entre la main droite et la main gauche.
12) D. Vous suggérez donc une symétrie « naturelle » dans les interactions nucléaires… et, donc, électromagnétiques. Dans ce cas, la symétrie des corpuscules de base serait-elle cause ou loi de mouvement ?
R ?…
13) D. Quelle est l’importance de la loi d’Einstein dans la science nucléaire ?
R. Elle domine tout.
14) D. Peut-on déduire de E = mc² que l’énergie se transforme en masse et réciproquement ?
R. Oui, la chose est claire.
15) D. Peut-on, en conséquence, dire que la matière est énergie ?
R. Oui, dans une certaine mesure.
D. Est-ce une restriction ?
R. Pas fondamentale.
16) D. Comment expliquerai-je au profane que la vitesse de propagation des ondes électromagnétiques est égale à la vitesse de la lumière ?
R. L’explication est simple : la lumière est une onde électromagnétique.
17) D. Que doit-on entendre, au juste, par « ondes électromagnétiques » ?
R. La propagation d’un champ électrique et d’un champ magnétique, toujours ensemble.
18) D. Quel rapport voyez-vous, donc, entre lumière et énergie, entre énergie et vie, entre Vie et Lumière ?
Une loi ? un ordre ? un perpétuel jugement ?
R. Je ne sais pas.
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