Padre Pio et l’histoire du célèbre avocat St Yves

Les soirées au monastère se suivaient, mais ne se ressemblaient pas. Le Père Pio apportait toujours du nouveau aux entretiens de la communauté : c’étaient parfois des apologues forts instructifs, présentés avec beaucoup d’à-propos et d’humour. À l’occasion de la visite d’un avocat de renom, il fit ce récit de l’arrivée au ciel du célèbre avocat saint Yves :

« Après sa mort glorieuse, saint Yves va frapper à la porte du paradis. Saint Pierre lui ouvre et l’invite à présenter ses papiers. La profession du nouvel arrivant fait froncer les sourcils du saint concierge. Mais les papiers sont en ordre :

– Bon, entrez.

La porte à peine franchie, saint Yves, se retournant vers la loge s’exclame :

– Ma foi, je crois que je suis passé de justesse !… Tout de même j’aimerais savoir comment ce portier-là a pu décrocher un tel pouvoir !… Il ne l’a certes pas reçu à cause de sa science, car il était ignorant, ni à cause de sa virginité, car il était marié, ni à cause de sa fidélité, car il a renié le Christ Jésus, ni à cause de son courage, car il a fui le martyre…

Le saint avocat ne se prive pas de communiquer ses remarques aux bienheureux avec lesquels il noue connaissance en se promenant dans les allées du paradis…

– Je comprendrais, explique-t-il, que le pouvoir d’administrer la justice entre la terre et le Ciel fût donné à Saint Paul pour sa science, à Saint Jean-Baptiste pour sa pénitence, à l’apôtre Jean pour sa pureté et son amour, ou encore à saint Étienne pour sa force et son courage… mais que ce pouvoir suprême revienne à celui qui ne fut ni savant, ni pénitent, ni vierge, ni courageux… ni même très sympathique… voilà ce que je ne comprends pas.

L’argumentation de l’avocat est convaincante, animée d’une grande passion pour la justice… Les bienheureux écoutent avec curiosité d’abord, puis avec intérêt et sympathie… des cercles se forment et les partisans de la thèse de saint Yves se font de plus en plus nombreux. Certains s’exclament, surpris :

– Mais c’est exact !… Clair !… Indéniable !… C’est à se demander comment nous n’y avons pas songé jusqu’alors. Et, cependant, nous sommes légion à avoir donné notre sang pour faire l’unité de l’Église autour de celui-là…

Bientôt, dans tout le paradis, la révolte gronde contre le pêcheur de Galilée… Celui-ci, informé, va se plaindre au père éternel, qui décide de convoquer aussitôt l’avocat justicier. Saint Yves n’a jamais connu un plus beau jour : toute la cour céleste est là pour l’écouter. L’Éternel lui-même l’invite à parler :

– Nous avons entendu dire, Yves, que tu as formulé des plaintes à l’encontre de notre concierge… nous voudrions que tu les exposes devant notre tribunal de Gloire : nous t’écoutons.

Dans une forme splendide, le célèbre avocat fait, dans son exorde, l’éloge de la sagesse divine… et pose la grande question :

– Qui instruira l’humanité au nom de cette sagesse sans fin ?… L’étourdi qui voulait dresser les trois tentes sur le Thabor et détourner le Christ du chemin de la passion ?… Qui fera l’unité de l’Église par la foi d’Abraham ? Celui qui faillit se noyer dans le lac de Tibériade à cause de son peu de foi ?… Qui jugera les martyrs et les confesseurs ? Celui qui, par lâcheté, refusa son témoignage au Fils de dieu, traîné devant le tribunal des hommes ?

Au fur et à mesure que l’orateur développe son inexorable réquisitoire, saint pierre, saisi d’angoisse, sent l’éther lui manquer sous les pieds… à la fin, saint Yves, embrassant d’un grand geste la resplendissante assemblée, s’écrie :

– Je vois à Tes pieds, ô Père Éternel, les mille et mille martyrs, apôtres, vierges, docteurs et confesseurs qui, à plus d’un titre, apparaissent dignes de juger l’humanité en Ton Nom trois fois saint…

Le Père Céleste, opinant de la tête, interrompt l’orateur :

– Oui, mon cher Yves, tu as rappelé des événements historiques et ton argumentation est serrée, émouvante…

Saint Pierre, atterré, laisse tomber ses clés dans les nuages…

– Mais voilà, ajoute le père, ce que mon Fils a fait est bien fait, et nul n’a le droit de le discuter.

Et se couvrant la tête de sa calotte, le maître de l’univers, déclare close la séance. Saint Yves, rougissant, tire sa révérence et essaie de filer à l’anglaise. Mais saint pierre allonge le pas, le rejoint et, lui posant la main sur l’épaule :

– Écoute, mon cher, lui dit-il, tu es passé et prosit… mais tu es le premier et le dernier avocat qui soit entré au paradis. »

Extrait du livre : Padre Pio mon père spirituel, d’Emanuele Brunatto – page 69 ed.2012 Editions de l’Orme Rond

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